ENTRETIEN Comme chaque année, Google a réuni près de son campus de Mountain View, en Californie, les développeurs pour faire toute une série d’annonces avec au programme l’intelligence artificielle qui annonce un « changement d’ère ».
Comme chaque année, Google a réuni près de son campus de Mountain View, en Californie, les développeurs pour faire toute une série d’annonces, avec une star absolue: l’intelligence artificielle. Sundar Pichai, le patron de Google, n’a pas hésité à parler d’un « changement d’ère ». Guillaume Degroisse, directeur du marketing et du contenu à l’Atelier BNP Paribas revient sur la conférence Google I/O et en tire les enseignements.
Que faut-il retenir des annonces de Google hier, lors de l’ouverture de sa conférence des développeurs?
Comme tous les ans, Google a fait beaucoup d’annonces. S’il n’y a pas trop de surprises, cinq points sont à retenir. Le premier repose sur l’intelligence artificielle. Nous voyons que Google a mis un gros coup d’accélérateur sur le software et le hardware. Le second porte sur les marchés émergents. Avec la version allégée de son système d’exploitation Android [Android Go, NDLR], le groupe s’attaque à un marché où les téléphones mobiles ne sont en réalité pas encore des smartphones avec l’idée d’agrandir la communauté. Le troisième porte sur les annonces concernant Google Home, [son enceinte à commande vocale, NDLR]. Google entend revenir sur Amazon qui fait la course en tête avec Echo. Le quatrième point à retenir est le fait qu’il ne faut pas opposer l’homme à l’intelligence artificielle et le cinquième porte sur la continuité des investissements dans la réalité virtuelle et la réalité augmentée.
Ce qui est intéressant de remarquer, c’est que Google possède une énorme puissance de calcul. Plus le temps passe et plus il la rend réel. Pour favoriser son émergence, Google a décidé de mettre le hardware à disposition des développeurs. C’est une prise de position très nette. L’autre point est l’ouverture de leurs recherches quasi en open source qui montre la volonté de Google de travailler avec la collectivité.
Pourquoi font-il cela?
Google se dit que la communauté va lui donner en échange. Le levier majeur, c’est de dire que d’autres gens vont eux aussi créer dans l’intelligence artificielle et permettre de rendre la communauté Google encore plus puissante. Le calcul est simple, plus vous ouvrez les outils, plus la communauté est importante.
Google cherche-t-il a rattraper le temps perdu dans l’intelligence artificielle, notamment par rapport à ses concurrents Apple et Amazon?
Oui et non. Quand Google annonce le chiffre de 2 milliards d’appareils sous Android, c’est assez inimaginable. Il n’a pas besoin de rattraper son retard, la communauté est là et elle est déjà très puissante. Ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’Apple et Google ont cru que le smartphone allait être le point d’accès partout, y compris à la maison. Ils n’ont pas vu Amazon venir avec son enceinte Echo. Ils se sont dit qu’il n’y avait rien de nouveau par rapport à leurs smartphones. Là où ils ont fait une erreur, c’est dans le fait de ne pas avoir vu l’importance de l’incarnation de l’objet. Avec Google Home, il rattrape une erreur d’usage. En termes de technologie, il n’y a aucun retard. Ils sont même en avance.
Qui va gagner la bataille de l’assistant intelligent?
Je suis convaincu que Google ne gagnera pas la bataille, ni Amazon d’ailleurs. Il n’y a pas de position dominante. Amazon est en avance sur l’usage. Mais si par exemple je crée une start-up sur l’intelligence artificielle, même si mon usage est super, la puissance restera toujours liée à la capacité à piocher des données et à apporter de la valeur. Google, grâce aux milliards d’appareils évoluant sous Android et de recherches faites, possède une masse d’informations gigantesque. Amazon fait de même grâce à l’e-commerce. C’est pourquoi je pense qu’il n’y aura pas un vainqueur et un vaincu. Vous avez deux logiques d’écosystème, deux stratégies de plateforme « enfermante ». Il faut noter que si Echo remonte à 2014, il n’est toujours pas disponible en France alors que Google a annoncé que Home allait être disponible en français [cet été, NDLR], soit un an après sa commercialisation aux Etats-Unis.
Et Apple dans tout ça?
Google a annoncé hier qu’il allait rendre son Assistant disponible sur iOS. Ce n’est pas anodin. D’ici quelques mois, je pense qu’Apple va annoncer quelque chose d’équivalent qui va permettre aux fans d’avoir les mêmes fonctionnalités [que Google Home et Amazon Echo, NDLR]. Ils ont eux aussi la technologie nécessaire. Le Home Kit est déjà dans l’iPhone.
Google a enfin fait des annonces en réalité virtuelle et réalité augmentée, avec notamment un casque VR autonome sans smartphone, PC ou câble. Certains commence toutefois à évoquer un phénomène de bulle autour de la VR. Laquelle de ces deux technologies va prendre le dessus?
Nous n’en sommes qu’au tout début. Nous avons encore besoin des casques, mais ces instruments vont disparaître. Si vous prenez Google Lens par exemple, il y a une logique de réalité augmentée [via l’appareil photo, l’usager pourra obtenir des informations complémentaires sur un produit reconnu via l’appareil photo grâce à l’IA, NDLR]. Il n’y a pas de match entre la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Ce sont deux usages très différents. La première sert davantage l’entertainment. Elle permet de créer une nouvelle forme de narration. On peut également l’imaginer à l’école. Les applications commencent à émerger. Les usages seront différents.