Le GIEC se réunit à Montréal cette semaine pour préparer la rédaction de son prochain rapport
Près de deux ans après l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat, les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays signataires sont toujours nettement insuffisants pour espérer limiter les bouleversements climatiques, prévient Youba Sokona, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
« Si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici la fin du siècle, il nous faut des réductions radicales des émissions de gaz à effet de serre. Il faut même décarboniser totalement notre économie, en commençant par le secteur de l’énergie », a-t-il expliqué au Devoir, en marge de l’ouverture de la 46e réunion de travail du GIEC, qui se tient à Montréal.
« Malheureusement, a ajouté M. Sokona, les informations disponibles indiquent que nous ne sommes pas sur cette trajectoire. » Pour y parvenir, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 à 70 % d’ici 2050 (et les faire disparaître en 2100). Mais même le respect de cet objectif de limiter le réchauffement global à 2 °C d’ici 2100 serait « problématique », selon les données scientifiques présentées en matinée mercredi par des représentants du GIEC.
Une telle hausse aurait en effet des impacts sur les productions agricoles de certaines régions du monde, notamment pour des pays déjà défavorisés. Qui plus est, d’un à deux milliards de personnes de plus souffriraient d’un manque d’accès à l’eau. Sans oublier une accélération de la fonte du pergélisol et une augmentation des inondations côtières et des tempêtes.
Climat et ouragans
Youba Sokona n’a toutefois pas voulu lier les récents ouragans à un phénomène directement imputable aux bouleversements du climat. « Le constat est que nous avons de plus en plus d’événements extrêmes dont l’amplitude est de plus en plus forte, et à des fréquences beaucoup plus rapprochées. Ça pourrait être lié à la réalité des changements climatiques. »
Le vice-président du GIEC a donc rappelé l’urgence d’agir, d’autant plus que les impacts d’un climat planétaire perturbé se font déjà sentir « sur tous les continents et dans les océans ».
La solution pour éviter le pire, a fait valoir mercredi M. Sokona, passe par une décarbonisation de l’activité humaine, et en priorité du secteur de l’énergie, responsable de 35 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
« Il faut rapidement déployer des solutions. Et on voit qu’il y a une percée fulgurante des énergies renouvelables. Les coûts baissent radicalement. Donc, ces énergies offrent une belle perspective de décarbonisation. »
Reconnaissant que les mesures qui peuvent être prises diffèrent grandement selon les pays et les moyens financiers disponibles, il a appelé à une action concertée de la communauté internationale. « La question du climat est une question de solidarité, dans la mesure où il s’agit d’un problème créé et vécu par tout le monde. Et la solution n’est que collective. Il faut donc une grande solidarité des ressources et de la mise en oeuvre. »
Sixième rapport
La rencontre du GIEC qui se tient à Montréal jusqu’à dimanche doit permettre de préparer la rédaction du sixième rapport de l’organisation, qui devrait être publié dans sa forme complète en 2022.
Avant cela, le GIEC publiera cependant l’an prochain un rapport sur le scénario de limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2100, par rapport à la situation qui prévalait avant l’ère industrielle. Un scénario très ambitieux mentionné dans l’Accord de Paris, adopté en 2015, mais qui imposerait à la planète de réduire les émissions de 70 % à 95 % d’ici 2050.
Le GIEC planchera également, d’ici deux ans, sur une analyse des impacts du réchauffement sur les océans, mais aussi sur un rapport portant sur les conséquences des bouleversements climatiques sur la « dégradation » des terres et la désertification.
Financement du GIEC
La rencontre de Montréal permettra par ailleurs d’aborder l’enjeu du financement des travaux du GIEC, dont l’enveloppe annuelle dépend en grande majorité de « contributions volontaires » d’un petit nombre d’États, de fondations et d’organismes de l’ONU.
Il faut dire que le financement global, qui avoisine les 10 millions de dollars annuellement, souffre depuis quelques années d’un recul des engagements de certains contributeurs, selon ce qui a été précisé de la part de sources internes mercredi. Son financement annuel est en effet soumis aux aléas des décisions politiques des États qui y contribuent.
Dans ce contexte, le retrait américain du financement du GIEC en 2017 signifie une perte de près de 2,5 millions de dollars par rapport à 2016. Quant au Canada, les données disponibles indiquent qu’entre 2011 et 2016, soit une période de cinq ans, le financement moyen annuel s’est élevé à 178 973 $.
Selon les chiffres inscrits dans un tableau synthèse du GIEC, en date du 30 juin 2017, l’engagement du Canada se faisait toutefois toujours attendre pour cette année. Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique n’avait pas répondu aux questions du Devoir sur cet enjeu de financement au moment d’écrire ces lignes.
McKenna absente
Aucun ministre du gouvernement de Justin Trudeau n’était présent à l’ouverture de la rencontre du GIEC, à Montréal. La ministre de l’Environnement Catherine McKenna n’était donc pas présente. Elle a seulement livré un bref message par l’entremise d’une vidéo préenregistrée.
« Nous savons que le changement climatique est un phénomène réel. C’est pourquoi nous prenons des mesures concrètes pour protéger la planète que nous laisserons aux générations futures », a-t-elle déclaré dans cette vidéo.