«Il y a pas mal de champs ici dans lesquels il vaut mieux ne pas mettre les pieds, tellement il y a d’obus non explosés et de mines», constate Nikolaï Outrimenko, patron d’une entreprise agricole à Dmitrivka, dans l’Est de l’Ukraine sous contrôle rebelle.

Semer du blé, du maïs ou du tournesol est aujourd’hui dangereux dans ce village de 5000 habitants, situé à 95 km de Donetsk, où de violents combats ont opposé les séparatistes prorusses aux forces ukrainiennes pendant l’été.

Le danger est évident: dans les champs de Nikolaï Outrimenko, on aperçoit des roquettes Grad à moitié fichées en terre, des obus non explosés et des bombes à sous-munitions. «Plus de la moitié de nos champs n’ont pas encore pu être déminés. C’est pourquoi nous n’avons pas pu récolter le blé et n’avons pu semer cette année que 500 hectares au lieu de 1000 d’habitude», relève-t-il.

Même dans les champs déjà examinés par les démineurs, tout danger n’est pas écarté. «Un de nos tracteurs a sauté sur une mine anti-personnel bien cachée. Heureusement le tracteur était lourd et il n’y a pas eu de mort», raconte M. Outrimenko en soulignant par ailleurs le danger que font courir les fils tendus au ras du sol, presque invisibles, qui provoquent l’explosion de mines.

Un démineur qui opérait à Dmitrivka a été tué en octobre dernier. «Il était en train de neutraliser une mine, et il y en avait une autre en dessous», explique M. Outrimenko.

Dans un rapport publié lundi, Human Rights Watch a appelé les parties du conflit à ne pas utiliser les mines anti-personnel et à «détruire» celles qu’elles possédaient déjà.

Face à l’ampleur du problème, le gouverneur pro-Kiev de la région voisine de Lougansk, elle aussi partiellement contrôlée par les séparatistes, est allé jusqu’à interdire la chasse et la pêche dans les zones situées près de la ligne du front appelant par ailleurs les résidents locaux à ne pas aller pique-niquer dans les forêts d’à côté.

Pour sa part, le «président» de la République populaire de Donetsk (DNR) autoproclamée par les séparatistes, Alexandre Zakhartchenko, a indiqué la semaine dernière que «près d’un tiers des terres arables de la DNR doivent être déminé, ce qui constitue aujourd’hui le problème numéro un» pour l’agriculture locale.

La «ministre de l’économie» de la DNR, Evguenia Samokhina, a précisé à l’AFP que «vu l’ampleur du problème, il faudra 20 ans pour déminer» les deux régions proches du front, Novoazovsk et Telmanové.

Dans les zones tenues par les rebelles, la pénurie d’engrais frappe aussi les agriculteurs, suite à l’interruption des échanges commerciaux avec le reste de l’Ukraine.

«Nous avons reçu 40 tonnes d’engrais dans le cadre de l’aide humanitaire fournie par la Russie. Il nous en faudrait 150», observe M. Outrimenko.

Pour l’agriculture comme pour le reste, la «République populaire de Donetsk», comme l’autre territoire séparatiste —la «République de Lougansk» — dépend essentiellement de l’aide apportée par la Russie.

À Dmitrivka, qui se trouve à 3 kilomètres de la frontière avec la Russie, une vingtaine de moissonneuses-batteuses et autres grosses machines-outils ont été détruites par les obus tombés sur le centre agricole.

«Heureusement que j’avais réparti les autres machines un peu partout dans le village. Une grosse partie a pu être sauvée», se console M. Outrimenko.

Tout le monde n’a pas eu cette bonne idée. À une quarantaine de kilomètres plus au nord, dans le village de Petropavlivka (un millier d’habitants avant la guerre) «tout le matériel agricole a brulé, nos moissonneuses-batteuses, les tracteurs», raconte Lida Antonova, une retraitée de 68 ans.

Dans son village, le tournesol a séché sur pied, faute de pouvoir être récolté, et les champs sont parsemés de cratères laissés par les obus. De temps en temps apparaît une tourelle de char calcinée ou une carcasse de blindé en train de rouiller.

Lida Antonova est à la recherche d’épis de mais pour nourrir ses cinq poules. «Le champ a brulé, il n’y a presque rien à prendre», se plaint-elle doucement. Ces volailles sont une des dernières choses qui lui permettent de ne pas mourir de faim, alors qu’elle n’a pas touché de retraite depuis dix mois. «Il y a des jours où je n’ai presque rien à manger», avoue-t-elle.

NICOLAS MILETITCH/AFP

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
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Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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