Neuf mois après le lancement, par décret présidentiel, d’une « stratégie fédérale pour la santé des abeilles et des autres pollinisateurs », les Etats-Unis prennent leurs premières mesures de restrictions des insecticides dits « néonicotinoïdes ». Dans une lettre adressée début avril aux firmes agrochimiques, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) américaine prévient qu’elle ne délivrera plus d’autorisation de mise sur le marché de nouveaux produits contenant des molécules de la famille visée (imidaclopride, thiaméthoxame, etc.). Celles-ci sont suspectées d’être les éléments déterminants du déclin des abeilles domestiques et des insectes pollinisateurs et, vraisemblablement, d’une variété d’autres organismes (oiseaux, organismes aquatiques…).

Ce moratoire sur les nouveaux usages de ces substances s’applique au niveau fédéral, mais il fait suite à plusieurs initiatives locales, en particulier dans les Etats de l’Oregon et de Californie, visant à restreindre l’usage de ces substances controversées, notamment sur les terrains publics. « Il ne fait aucun doute que ces produits toxiques tuent nos pollinisateurs, a déclaré Lori Ann Burd, directrice pour la santé environnementale du Centre pour la diversité biologique, dans un communiqué. Nous louons l’EPA de l’avoir reconnu et d’avoir pris cette décision, même s’il faut aller plus loin. »

Laxisme

Régulièrement accusée par les apiculteurs et les organisations non gouvernementales de laxisme en matière d’évaluation des risques des pesticides, l’EPA a été la cible de plusieurs poursuites en justice. En particulier, selon un rapport publié en mars 2013 par l’ONG Natural Resources Defense Council (NRDC), l’EPA a utilisé, de nombreuses années durant, une procédure d’autorisation temporaire pour donner un agrément de facto permanent à une grande part des pesticides actuellement sur le marché américain. Dans de nombreux cas – en particulier celui de plusieurs néonicotinoïdes –, les études d’évaluation du risque environnemental et sanitaire n’ont pas été menées par l’agence.

Dans sa lettre, l’EPA précise ainsi qu’elle attend des firmes agrochimiques des données sur les effets de leurs produits sur les pollinisateurs. A partir de ces données, l’agence ajoute qu’elle conduira – mais plus vingt ans après leur mise sur le marché – une évaluation du risque présenté par ces substances avant de forger son opinion à leur sujet.

Moratoire en Europe

De l’autre côté de l’Atlantique, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a mené en 2013 une telle évaluation, qui a conduit à la mise en place d’un moratoire partiel de deux ans sur les principaux néonicotinoïdes, touchant le territoire des Vingt-Huit. En France, l’un des premiers pays à avoir restreint leur usage, un amendement au projet de loi sur la biodiversité, visant à les interdire définitivement du territoire national, a été adopté le 19 mars.

La décision américaine, très en retrait par rapport à celle de la Commission européenne, est confortée par une étude publiée dans la dernière édition de la revue Environmental Science & Technology. Conduits par Margaret Douglas et John Tooker (université de Pennsylvanie, Etats-Unis), ces travaux permettent de retracer l’intensité de l’utilisation des néonicotinoïdes depuis leur introduction, en 1993. De telles statistiques n’avaient jamais été tenues par les autorités américaines, et les chercheurs ont dû solliciter d’autres sources – des bases de données publiques croisées avec des informations issues de l’industrie – pour établir l’histoire de l’usage de ces molécules aux Etats-Unis.

Stéphane Foucart- Le Monde[highlight][/highlight]

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
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