Le syndicat des éleveurs de volaille a exprimé hier sa grogne face à l’accentuation de l’importation illégale d’œufs en provenance de Syrie par certains distributeurs libanais. Une pratique qui risque selon lui de compromettre l’avenir d’une filière devant déjà composer avec d’importants surplus. Le syndicat des éleveurs de volaille au Liban ainsi que celui des volaillers de Baalbeck et de Hermel se sont réunis, hier, pour dénoncer la concurrence déloyale livrée par certains distributeurs accusés de faire chuter les cours en important des œufs en provenance de Syrie. Ils réclament notamment que le ministère des Finances prenne des mesures pour lutter contre la contrebande à la frontière libano-syrienne qui pénaliserait quelque « 1 500 familles réparties sur 300 fermes au Liban », selon un communiqué du syndicat. « Les services douaniers connaissent l’identité des fraudeurs, le parcours des conteneurs et même les véhicules incriminés, mais ne font rien pour les arrêter », s’indigne une source proche du syndicat, qui pointe du doigt le risque « d’achever la filière locale ». « La quasi-totalité des convois de contrebande transite par la plaine de la Bekaa car une poignée d’importateurs de cette région s’est arrangée avec les réseaux habituels de contrebandiers pour inonder le marché libanais d’œufs syriens vendus à prix cassés. Ces œufs étaient destinés à l’origine aux marchés syrien et jordanien, mais la fermeture du poste frontière de Nassib en avril a créé un nouvel appel d’air », explique à L’Orient-Le Jour un éleveur sous couvert d’anonymat. Risque sanitaire Conséquence : le prix de la caisse de 360 œufs (12 plaquettes de 30 alvéoles), dont le coût de revient gravite généralement autour de 32 dollars, peut chuter jusqu’à 18 dollars. Le prix des œufs se négocie au jour le jour en fonction de l’offre et de la demande. Il oscille actuellement entre 26 et 33 dollars la caisse avec des pics pouvant grimper à 50 dollars, selon une source proche du syndicat. La production locale, excédentaire, est estimée à plus de 4 000 caisses par jour depuis 2011. Le marché local est, lui, capable d’absorber quotidiennement un peu plus de 3 000 caisses. Le syndicat des éleveurs de volaille rappelle également qu’une partie des œufs qui traversent la frontière libano-syrienne viennent d’Ukraine, où les coûts de production sont inférieurs de 60 % à ceux qu’assument les éleveurs libanais. Ces œufs transitent par la Turquie avant d’être importés au Liban via la frontière syrienne. « Les œufs ainsi importés sont ensuite reconditionnés par certains importateurs afin de dissimuler leur origine, ce qui présente de surcroît un important risque sanitaire pour le consommateur », ajoute-t-on du côté du syndicat. « Ce phénomène ne concerne toutefois pas les œufs en poudre lyophilisés utilisés dans l’industrie alimentaire qui sont soumis à des contrôles réguliers », ajoute la même source. Il y a quatre ans, les acteurs du secteur se plaignaient déjà de l’impact de la concurrence des œufs syriens et turcs, accentuée par la flambée des prix du fourrage, notamment du maïs et du soja. Le prix de vente était alors tombé à 12 dollars la caisse. Philippe HAGE BOUTROS- L’Orient Le Jour