Secteur emblématique de l’agriculture libanaise, l’apiculture n’a pourtant jamais réussi à satisfaire la demande locale, du fait d’une professionnalisation et d’une distribution lacunaires. Des obstacles que de plus en plus de professionnels tentent désormais de surmonter en s’organisant mieux.

« L’apiculture est un secteur crucial qu’il faut soutenir et préserver pour lui permettre de continuer à augmenter sa production et d’exporter », a plaidé le ministre de l’Agriculture Akram Chehayeb, lors de son intervention au Forum national de l’apiculture au Liban, mardi dernier. Il a raison : le pays « du miel et du lait » bénéficie toujours, en la matière, d’une réputation d’excellence. Cet avantage, le Liban le doit à la richesse d’un terroir, qui permet de récolter le précieux nectar sur trois saisons et de produire différents types de miel grâce à une flore diversifiée.

Pourtant, la production apicole demeure embryonnaire. En 2014, les quelque 120 000 ruches des 6 000 apiculteurs que compte le pays ont produit 1 800 tonnes de miel pour un chiffre d’affaires de 81 milliards de livres libanaises, selon le rapport sur l’apiculture au Liban en 2014 du Centre de recherche et d’études agricoles libanais (Creal). « Ces quantités ne sont pas suffisantes pour répondre à la demande locale », résume Nadine Chemali, chargée du projet du miel au sein du programme LIVCD (Lebanon Industry Value Chain Development), mis en place en 2013 par l’Agence des États-Unis pour le développement international pour soutenir le secteur.

De fait, le Liban demeure plus que jamais un importateur net de miel : les importations ont ainsi augmenté de 167 % en valeur entre 2011 et 2014, à 3,8 milliards de livres, tandis que, sur la même période, les exportations n’ont augmenté que de 88 % pour atteindre les 948 millions de livres (soit environ 12 % des revenus de la production nationale).

Mais la tendance pourrait s’inverser du fait d’un sursaut de la production nationale dans la dernière décennie, corollaire d’une professionnalisation en cours des acteurs qui reste à achever. Les volumes de la production nationale ont triplé depuis 2005, lorsque, avec le même nombre de ruches, elle plafonnait aux alentours des 600 tonnes par an pour un revenu global de 12 milliards de livres libanaises.

Déficit de professionnalisation

Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. D’abord, la nécessité de répondre à l’accroissement de la demande sur le marché local en améliorant l’efficience et la productivité d’un secteur structurellement désorganisé. « L’écrasante majorité des apiculteurs sont des producteurs » amateurs « pour qui le miel vient en appoint d’une autre activité », explique Rami Ollaik, professeur à l’Université américaine de Beyrouth. Ces apiculteurs non professionnels souffrent d’un manque d’expérience et de formation à ce métier qui nécessite des connaissances techniques pour, par exemple, savoir choisir la reine des abeilles.

Un déficit de professionnalisation qui se retrouve également au niveau du marketing et de la distribution : en 2013, quelque 77 % de la production nationale était encore vendue directement aux consommateurs (à 25 dollars le kilo en moyenne). Mais la situation est en train de changer : « Avant 2006, le seul miel disponible dans les points de vente au Liban était importé – principalement d’Arabie saoudite et d’Europe. Depuis, les marques libanaises ont pénétré les réseaux de distribution et sont maintenant établies dans les circuits de vente », résumait un rapport d’évaluation du LIVCD. L’amélioration de la commercialisation s’explique par la création de coopératives, une initiative diligentée par l’ancien ministère de l’Agriculture et soutenue par le LIVCD. Cela a permis notamment d’améliorer les techniques d’extraction du miel, et donc la productivité des ruches, ainsi que les méthodes de vente et de marketing. Le rapport d’évaluation du LIVCD dénombrait 62 coopératives, dont seulement neuf réellement actives, qui regroupent, chacune, entre 100 et 300 membres. Résultat, sur les cinq marques libanaises qui captent la plupart des ventes locales en supermarché (Jabal el-Cheikh, Kaddoum, B. Baladi, Matn el-Aalaet et l’APIS), trois sont des coopératives soutenues par le projet LIVCD. L’initiative américaine a ainsi permis à plus de 1 300 apiculteurs d’être formés aux techniques modernes, et 1 200 autres devraient l’être avant la fin du programme, en 2017.

Promouvoir l’exportation

Cette professionnalisation se traduit aussi au double niveau de la qualité et de la traçabilité des produits, permettant de renforcer la confiance des consommateurs envers les marques libanaises. Depuis 2013, le miel vendu au Liban doit répondre aux normes de l’Institution libanaise de normalisation (Libnor) et sa composition chimique doit être analysée par l’un des trois laboratoires que compte le Liban. De même, le ministère a émis en 2013 une directive pour réduire progressivement l’utilisation de tétracycline jusqu’à une interdiction totale en 2015. Mal employé par les apiculteurs – tant en volume qu’en fréquence d’usage –, cet antibiotique peut en effet engendrer une contamination du miel. « L’application de ces normes est cruciale pour promouvoir l’accès du miel libanais aux marchés européens », résumait Akram Chehayeb, lors du forum national de mardi dernier. Et cela semble fonctionner : le miel libanais commence à se faire une place à l’export, notamment vers les pays de la région. En 2014, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Jordanie absorbaient ainsi 76 % des exportations. Reste toutefois un écueil, de taille, à surmonter pour continuer à glaner des parts de marché : les prix élevés du miel libanais. En moyenne, le prix d’un kilogramme de miel libanais tournait aux alentours de 12,85 dollars en 2011, contre une moyenne mondiale à 3,39 dollars. Un différentiel de compétitivité qui s’avère tout aussi pénalisant à l’export que sur le marché local, que la taxe douanière de 8 000 livres par kilo de miel importé ne suffit pas à compenser.

La qualité, une clé d’entrée sur le marché de détail ?

Pénétrer le marché de détail, c’est le pari réussi par deux marques locales. Fondée en 2012 par Antoine Abi Harb et son fils Joe, Le Miel du Levant se trouve sur les étals de la plupart des magasins bio et des pharmacies du Liban. La marque place ses ruches à plus de 3 km de toute source de pollution et produit le premier miel certifié bio au Liban par l’Union européenne. Elle produit plus de trois tonnes de miel par an et compte doubler sa production d’ici à l’année prochaine.

L’Atelier du miel, créé en 2008 par Marc Antoine Abi Nassif, son frère Ralph et Rabih Trablusi, possède 200 ruches. La marque a sa propre boutique à Achrafieh et vend 15 types de miel libanais et 15 miels importés. L’Atelier du miel fait systématiquement analyser son miel dans un laboratoire certifié pour vérifier l’absence de résidus d’antibiotiques et de pesticides.

Céline HADDAD- L’Orient Le Jour

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


Consultants :
LIBAN : Dr. Zaynab Moukalled Noureddine, Dr Naji Kodeih
SYRIE : Joseph el Helou, Asaad el kheir, Mazen el Makdesi
EGYPTE : Ahmad Al Droubi
Directeur Éditorial : Bassam Al-Kantar

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