Les Beyrouthins ont manifesté devant le Bois des Pins, unique espace vert fermé depuis la fin de la guerre, ce samedi. Leur message est clair : la municipalité doit ouvrir sur-le-champ les portes de ce parc public aux citoyens libanais.
Des applaudissements, quelques pancartes, des perruques… L’ambiance est festive devant les grilles du Bois des Pins de Beyrouth… Et pourtant, cela fait maintenant deux ans que l’association Nahnoo exige l’ouverture du parc à tous.
« Nous sommes là aujourd’hui pour dénoncer ce que la municipalité inflige à ces Beyrouthins. » Pour Mohammad Ayoub, président de l’association Nahnoo, le verdict est sans appel : la municipalité de Beyrouth doit impérativement ouvrir le Bois des Pins. « La municipalité ne tient pas ses promesses, précise-t-il, et ce qu’elle fait est absolument illégal. » Aucun texte ne permet d’interdire l’accès aux espaces publics. Une centaine de Libanais, soutenus par quelques étrangers de passage dans le pays, sont venus défendre leur droit de se promener librement dans l’immense parc, aussi appelé Horch Beyrouth. « C’est le seul lieu où l’on pourrait se ressourcer à Beyrouth », témoigne Nour, manifestante beyrouthine.
Les Libanais sont donc si sales que ça ?
Au-delà de la fermeture, les manifestants présents sont aussi venus dénoncer la discrimination pratiquée à l’entrée du parc. Pour visiter le Bois des Pins, il faut avoir être muni d’une autorisation du mohafez, qui est accordée arbitrairement, quasi exclusivement aux touristes occidentaux. Pourquoi? Personne ne sait vraiment. « Les raisons données par les gardiens sont incroyables », témoigne Charlotte, une jeune Irlandaise qui a vu l’un de ses amis libanais se faire refuser l’accès au parc. « Ils affirment que les Libanais ne savent pas se tenir, c’est tellement drôle que ça devient triste en fait… » Et de sourire : « Les Libanais sont donc si sales que ça ? »
Après plus d’une heure qu’ils ont passée devant l’entrée du parc, les manifestants – des Libanais et quelques étrangers – ont exceptionnellement pu fouler ensemble les allées fleurissantes du Bois des Pins. Une petite satisfaction, qui a été très encadrée par les agents de la municipalité : l’entrée était autorisée pour une heure seulement, les photographies interdites sur tout autre appareil qu’un téléphone portable. Pour les militants, forcément, cette promenade a un goût amer. « On devrait presque refuser d’entrer », déplore Ziad, membre actif de Nahnoo. « Si je reviens seul demain, je ne pourrai plus rentrer », déplore ce Libanais de 25 ans.
De forêt… en stade de foot ?
L’histoire du Bois des Pins remonte au XVIIe siècle. À l’époque, l’émir Fakhreddine II construit le parc pour faciliter l’accès à Beyrouth. Au fil des années, la taille de la forêt est réduite, les Ottomans construisent l’hippodrome qui existe toujours aujourd’hui, une route coupe la forêt en deux. Petit à petit, le Bois des Pins devient un parc, ouvert aux citoyens. Puis arrivent les années 80 et la guerre. Le Bois des Pins n’est pas épargné par les bombardements d’Israël. Entièrement détruit, il est laissé à l’abandon jusqu’à 1995. La région d’Île-de-France entreprend alors la rénovation du lieu avec la municipalité de Beyrouth. L’immense parc doit rester fermé durant 10 ans afin de permettre à la végétation de repousser. « Mais 20 ans plus tard, il est toujours fermé », s’exclament les manifestants devant les grilles fermées du parc. Depuis la dernière discussion publique, organisée par la municipalité de Beyrouth en janvier dernier, les inquiétudes des Beyrouthins ont redoublé… La municipalité y a présenté son nouveau projet : déplacer le stade de la ville de Tarik Jdideh dans le Bois des Pins. Une initiative immédiatement rejetée par les membres de Nahnoo, qui estiment que ce projet anéantirait le dernier espace vert de la ville. Après deux ans de contestation, le message de l’association Nahnoo est clair : aucune loi ne permet à la municipalité d’empêcher l’accès des Libanais à cet espace vert unique de la capitale.
Laura DAMASE- OLJ