Annoncée à grande pompe depuis quelques semaines, la prescription médicale unifiée n’entrera finalement pas en vigueur ce 1er juin, comme il a été décidé par le ministère de la Santé, suite à une concertation avec les parties concernées, c’est-à-dire la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), l’ordre des médecins et l’ordre des pharmaciens. Il faut donc attendre encore deux à trois semaines pour qu’elle soit mise en circulation.
« C’est une question de logistique… d’impression », indique à L’Orient-Le Jour le président de l’ordre des médecins, Antoine Boustany. « Nous nous sommes entendus sur ce point avec le ministre de la Santé, poursuit-il. Nous lui avons dit qu’il y aura un petit retard et il a accepté. » Depuis qu’on en parle, la prescription médicale unifiée fait l’objet de confusion, les patients ne comprenant pas toujours son intérêt. Pour l’ordre des médecins, son principal avantage reste « l’application de la loi qui exige l’apposition d’un timbre, d’une valeur de 250 LL, sur toute ordonnance, ce qui permet d’alimenter la caisse de retraite et d’aide des médecins », explique le Dr Boustany. « Or, sur les 14 000 médecins inscrits à l’ordre, rares sont ceux qui appliquent cette loi, poursuit-il. Avec l’ordonnance unifiée, la valeur du timbre est payée d’avance. » D’un point de vue de santé publique, elle permettra un meilleur contrôle de la vente des médicaments, notamment des tranquillisants, « car elle ne peut pas être falsifiée », mais aussi d’avoir une traçabilité et une analyse du marché du médicament grâce au code-barres dont elle est munie.
Substitution du médicament La prescription unifiée contribuera surtout à faire baisser la facture de santé puisqu’elle permet au pharmacien de « remplacer les médicaments originaux par des génériques, conformément à l’article 47 de pratique de la profession de pharmacie », insiste de son côté le Dr Walid Ammar, directeur général du ministère de la Santé. « Mais cette substitution ne peut être faite sans l’accord du médecin traitant et du patient lui-même, comme il est d’ailleurs indiqué sur l’ordonnance, précise-t-il. Ainsi, si le médecin refuse que le médicament prescrit soit substitué, il coche la case dédiée à cet effet et y écrit les lettres « NS » c’est-à-dire « non substituable ». Quant à la CNSS, elle va rembourser le prix du médicament, qu’il soit un générique ou de marque. L’article 42 du règlement intérieur de la CNSS, qui interdisait au pharmacien toute substitution du médicament, a été amendé. »
C’est d’ailleurs ce dernier point qui a créé la confusion chez le public, les patients croyant que la CNSS ne rembourserait que le prix du générique. « Ce n’est pas encore le cas, assure le Dr Ammar. Si la CNSS veut suivre l’exemple de la France et ne couvrir que le prix du générique, elle doit changer son règlement intérieur. Nous ne sommes pas encore à ce stade. » Comment se fera le contrôle dans les pharmacies, d’autant que de nombreux spécialistes ne sont souvent pas présents dans leurs établissements ? « L’ordre des pharmaciens a des contrôleurs qui veilleront à la bonne application de la nouvelle ordonnance », garantit le président de l’ordre, Rabih Hassouna. Le ministère de la Santé a lui aussi ses inspecteurs qui mèneront de leur côté un contrôle. « Ne vous inquiétez pas, la situation sur le terrain sera bien gérée », assure-t-il.
Appréhensions justifiées Beaucoup de médecins et de patients ne faisant pas confiance aux génériques, la substitution n’aura probablement pas lieu dans la majorité des cas. « C’est une décision que le médecin et le patient prendront, souligne le Dr Ammar. Le ministère de la Santé garantit la qualité des médicaments génériques qui se vendent en pharmacie. Tous les génériques qui se trouvent sur le marché sont bien examinés. D’ailleurs, nous collaborons dans ce cadre avec l’Agence des médicaments en France. Certains n’ont pas confiance dans les pays d’origine des médicaments génériques. C’est leur droit. Mais il faut savoir que le ministère enregistre aussi des génériques fabriqués aux États-Unis, au Canada, en France… On peut se procurer ces médicaments. » Et le Dr Ammar d’insister : « Il n’est pas normal qu’aux États-Unis et au Canada, le générique constitue respectivement 83 et 81 % de la facture du médicament, alors qu’au Liban on ne dépasse pas les 15 %. C’est honteux. Nous comprenons les gens et il est de notre devoir de leur fournir toutes les explications nécessaires pour rétablir la confiance. Mais pour certains, les objectifs sont d’une autre nature. En effet, avec chaque réforme, il y a des parties qui sont lésées et qui vont critiquer le système. Les appréhensions des gens sont justifiées. »
En pratique, l’ordonnance unifiée sera la même pour tous les médecins à travers le Liban. Elle sera livrée en trois copies : une pour le patient, une deuxième pour le pharmacien et une troisième pour la CNSS. Si le patient ne bénéficie pas des prestations de la CNSS, « la partie réservée à cet effet ne sera pas remplie », précise le Dr Boustany. Quid des patients qui bénéficient à la fois des prestations de la CNSS et d’une assurance privée ? « Pour ces situations problématiques, un comité formé du directeur général de la Santé, du directeur général de la CNSS et des présidents des ordres des médecins et des pharmaciens a été créé il y a près d’un mois, souligne le Dr Boustany. Il a pour mission de résoudre les problèmes qui vont apparaître au cours de l’application. Tous les efforts seront déployés pour que le patient ne paye pas les frais. » À suivre.
Nada MERHI | OLJ