Depuis qu’ont été connues les deux décisions de justice prises par le juge des référés de Beyrouth le 9 avril dernier, autorisant le propriétaire de terrains privés à Ramlet el-Baïda à fermer l’accès de la plage publique (la seule de Beyrouth), le tollé n’a fait qu’enfler. Il a culminé avec le communiqué publié lundi par le ministère des Travaux publics et des Transports, ministère de tutelle de la direction de la plage publique, contre lequel ces décisions étaient dirigées, annonçant son refus de la fermeture de la plage et sa volonté de suivre cette affaire de près (il n’avait cependant pas fait appel dans les délais).
Selon le militant Raja Noujaim, de l’Association de protection du patrimoine (APPL), interrogé par L’Orient-Le Jour, le communiqué du ministère est d’une grande importance, mais la protection de la plage ne peut être assurée que par une invalidation de ces décisions de justice. Il présente une longue étude juridique dont voici quelques idées-clés.
Le militant relève en premier lieu que les textes de loi s’accordent sur le fait que « la plage de sable à Ramlet el-Baïda fait partie des biens-fonds publics maritimes, dans la loi comme de par sa nature », surtout en sa qualité de « plage publique, donc d’espace public officiel, placé sous la responsabilité du ministère des Transports ». Il note également que la plage de Ramlet el-Baïda « est considérée comme un site naturel de grande importance devant être protégé », étant « un patrimoine naturel de la ville de Beyrouth et une ressource écologique (selon le décret 2366/2009), ce qui le place également sous la responsabilité du ministère de l’Environnement, qui devrait participer à sa protection et sa gestion avec le ministère des Transports et le pouvoir exécutif de la ville de Beyrouth (le mohafazat) ».
Raja Noujaim ajoute dans son étude que même si les biens-fonds publics maritimes ou autres ont été transformés en terrains privés, par erreur ou volontairement, cela ne change en rien le classement de ces propriétés, surtout dans le cas de Ramlet el-Baïda dont la nature sablonneuse rend évident son classement en tant que propriété publique. Il estime qu’« il faut annuler toutes les propriétés privées qui tombent dans des propriétés publiques, surtout quand elles sont aussi des sites d’intérêt public ». Partant de ce principe, il convient de prendre pour seule référence l’État libanais, qui est le propriétaire réel de ces terrains (et non la municipalité de Beyrouth), et renoncer par le fait même au principe d’expropriation « puisque les biens publics ne peuvent être expropriés ».
« Dans ce cas-là, il faut rendre ces biens-fonds publics maritimes au peuple, c’est-à-dire à l’État », affirme-t-il.
Raja Noujaim estime donc que le juge n’a pris aucun de ces principes en considération quand il a rendu son jugement. « Il faut rappeler que la justice ne peut prendre la place de l’administration, et que le juge des référés fait partie d’une juridiction civile qui ne lui donne pas le droit de statuer sur le fond, surtout qu’il n’a pas la compétence pour rendre un jugement dans une affaire dont l’une des parties est une administration civile, ou dont le sujet porte sur une administration civile », ajoute-t-il.
« En vertu de tout ce qui a précédé, nous assurons que ces deux décisions de justice doivent être invalidées en raison du fait que cette affaire n’est pas de la compétence de ce juge d’une part, et en raison de son non-respect des lois et des principes sur base desquels ses décisions devraient être prises, d’autre part », souligne enfin Raja Noujaim.
S.B.- L’Orient Le Jour