Peut-on prévoir les catastrophes géologiques en étudiant la corrélation du changement climatique et l’endodynamique des reliefs? C’est la question que l’on peut se poser en voyant la succession de glissements de terrain dans les régions abritant des superstructures hydroélectriques. Des liens ont été établis par les climatologues et géologues français et suisses produisant au début des années 2000 des recommandations en matière de gestions des risques naturelles. Considérations climatiques: Pour bien comprendre ces phénomènes il est tout d’abord nécessaire de faire le point sur le climat. Il a été constaté par nombre de climatologues du GIEC que nous sommes dans d’un monde en mutation, que des études paléoclimatologiques via des forages dans la glace ont démontré une corrélation étonnante de l’accroissement de la température et des concentrations mondiales actuelles de Dioxyde de Carbone, de Méthane, de Protoxyde d’Azote liées indéniablement à l’activité humaine et industrielle depuis trois cent ans par rapport à l’évolution couvrant plusieurs centaines de milliers d’années. Les études révèlent que l’utilisation de combustibles fossiles de notre vie quotidienne et l’industrialisation de l’agriculture sont les principales causes des augmentations de CO2, CH4 et N2O. Les climatologues du GIEC ainsi que toute la communauté scientifique des Nations Unies ont conclu que l’effet moyen global des activités humaines depuis 1750, a été un réchauffement avec un forçage radiatif de + 0.6 à + 2.4°C prenant en considération les fluctuations de l’irradiation solaire constatées par la NASA avec une variation normale de 0.1% tous les cycles de 11 ans. Les conclusions du GIEC à Paris en 2007 indiquent que le réchauffement du système climatique est indéniable à la mise en évidence de l’accroissement des températures moyennes mondiales dans les mers et l’atmosphère. Les rapports sont d’autant plus accablants lorsqu’on se concentre sur la fonte généralisée des glaces polaires avec la mise en évidence de la disparition progressive des ours polaires et l’élévation du niveau mondial des mers. Une gestion globale de ressources hydriques hasardeuse. En parallèle, nous pouvons constater l’aveuglement et l’obstination des décideurs internationaux depuis près d’un siècle a ne pas prendre ou mal prendre en considération la gestion de l’eau qui a eu pour conséquence un stress hydrique qui ne cesse de s’accentuer, les pénuries d’eau sont des préoccupations qui se répandent aujourd’hui au-delà des pays désertiques et pays-tiers. Une solution a été largement répandue pensant qu’elle constituait une réponse absolue au besoin des populations, il s’agit des grands barrages hydroélectriques qui ont connu un essor fulgurant depuis 60 ans . Or l’on peut constater aujourd’hui auprès de tous les scientifiques et chercheurs en hydrogéologie qu’il existe d’autres alternatives. Les grands barrages favorisent les dérèglements climatiques, la production de gaz à effet de serre, l’appauvrissement des terres et un recul constant de la biodiversité ont contribué significativement à des déplacements de millions d’habitants et la sécheresse de nombreuses zones agraires. En résumé nous nous sommes laissés aveuglés par ces énormes masses d’eau, à la spéculation d’une jouissance touristique sans penser qu’elles puissent nuire durablement à notre écosystème et sans penser qu’elles ne puissent pas un jour se renouveler. A cela L’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) a constaté que les grands barrages accélèrent l’apparition de phénomènes climatiques extrêmes mettant en péril des sites du patrimoine mondial naturel au travers l’alternance de périodes de sécheresses de plus en plus importantes et des vagues de grands froids. La plupart des recherches convergent vers un durcissement des conditions climatiques lié à ces superstructures bouleversant les écosystèmes et dévastant la biodiversité de ces régions. Les incidences de l’augmentation des températures peuvent par la suite avoir des conséquences en cascade sur les milieux et processus naturels, tels que les glaciers, le régime des cours d’eau, l’érosion ou encore le couvert végétal. Les modifications des paramètres atmosphériques et des caractéristiques des systèmes naturels ont également des conséquences directes et indirectes sur les aléas naturels. C’est dans les régions de hautes montagnes que l’on constatera l’accroissement de processus non glaciaires important qui pourtant directement conditionnés par les épisodes de glaciation (coulées de boues, coulées de débris, ruissellement). Ces processus paraglaciaires sont responsables de la mise en place de modelés paraglaciaires (cônes torrentiels pentus, cônes de déjection, sédimentation lacustre et offshore, plaines d’épandage fluvioglaciaires). Les chercheurs de l’université de Colombie Britannique J.M. Ryder et M. Church ont identifié trois aspects fondamentaux de l’influence du paraglaciaire dans le transport des sédiments. Le premier concerne la prédominance des dépôts remobilisés depuis les dépôts glaciaires jusqu’aux sources secondaires, comme des cônes alluviaux et les dépôts de vallée. Deuxièmement, les différences régionales conditionnent la chronologie et les changements dans l’équilibre entre dépôts alluviaux et ablation, notamment le rôle joué directement par l’activité tectonique des marges actives ou indirectement par les modifications du niveau de base. Troisièmement, la période totale d’effet des dynamiques paraglaciaires est prolongée au-delà de la période de modification initiale de sédiments glaciaires. Ces études ont amené nombre de scientifiques européens à revoir les grands principes et l’application des risques naturels, la direction et la magnitude des impacts du changement climatique se basant sur l’étude géomorphologique et endodynamique des reliefs ayant des formations de roches d’origines sédimentaires et constituées de strates successives de substrats différents tels que les sols de flysch, ou les sols de roches carbonatées friables. La confrontation des études à ces aléas naturels, avec de nouvelles caractéristiques d’intensité, de fréquence, de localisation et de saisonnalité permet, potentiellement, de dégager une nouvelle exposition des enjeux humains à des phénomènes naturels potentiels. Mais cette vulnérabilité au changement climatique n’est pas seulement liée aux caractéristiques d’un aléa naturel, elle est également la conséquence de nombreux facteurs à l’activité humaine et l’urbanisation. On observera à l’étude des cas suivant les impacts environnementaux en Suisse: – L’augmentation des précipitations depuis 1978 et le réchauffement des hivers (surtout depuis 1988) à contribué à changer l’hydrologie de la Suisse occidentale entre 1000 et 1500 m. L’infiltration efficace est fortement accélérée par la multiplication des phénomènes de gel/dégel entre novembre et mars. Les sols de flysch sont alors saturés de manières précoces au printemps. Hors l’élévation de l’isotherme 0°C engendre de nombreuses périodes de gel/dégel durant l’hiver, des circulations d’eau et des infiltrations dans les zones instables. L’altitude de l’isotherme 0°C durant l’hiver est prépondérante pour la recharge des nappes phréatiques dans les glissements de terrain en zone de flysch des Préalpes. L’augmentation des précipitations hivernales (plus de 20%), sous forme de neige ou de pluie intervient directement sur la teneur en eau des sols et sur la surface de la nappe phréatique. Lors d’hivers plus doux, ces précipitations pourront s’infiltrer plus facilement dans ces sols non gelés. La période propice à l’infiltration efficace des précipitations pourra être prolongée de 30 à 50 jours à des altitudes comprises entre 1000m et 1500m et provoquer d’imprévisibles glissement de terrains. A la vue de ces constatations de nombre de chercheurs du CNRS et du Pôle Grenoblois des Risques Naturels, et, à l’étude du projet de barrage du Lac du Chambon en Isère démontrant précisément la nature géologique instable des sols et des risques de coulées de boues en amont de la retenue artificielle, il n’est pas étonnant de voir se produire l’effondrement de 800 000 mètres cubes de terre dans le bassin d’un barrage qui a connu tous les problèmes possibles d’alcali-réaction engendrant des fuites et des faiblesses dans la structure et ce liés notamment à la forte sédimentation et le changement de densité de l’eau due aux phénomènes géologiques prévisibles depuis sa création. Ce barrage a subit tous les quinze ans des opérations de microsciages permettant de prolonger la durée de sa vie… Un coût et des risques que l’Etat Français ne veut plus supporter et qui a prévu de démanteler ce barrage d’ici 20 ans. Cas isolé ou répétitions de glissement de terrains liés aux impacts des superstructures? Nous dénombrons un certain nombre de cas similaires :
– La tragédie du barrage de Vajont en Italie accuse encore une fois des études géologiques des versants du bassin non prises en compte et qui démontraient bien l’instabilité des sols annonçant la catastrophe qui se produit le 9 Octobre 1963. – Le lac du Monteynard en Isère est lui aussi surplombé de terrains instables ce qui n’a pas empêché son édification. Hors, un glissement de terrain se produit le 7 mars 1981 à la Combe d’Harmaliere, un autre à la Combe du Mas concernant 3 à 5 millions de mètres cubes. La brutalité et l’imminence du risque de glissement sont toujours sujettes à débat: un mouvement de grande ampleur est considéré comme peu probable selon les services de l’état, mais une procédure d’expropriation et d’expulsion des habitations situées dans la combe du Mas a néanmoins été diligentée. Sans citer tous les cas connus de ruptures et de problèmes endodynamiques ayant causés des catastrophes environnementales, économiques et humaines, il semblerait intéressant d’étudier un peu plus le cas des projets de barrages en cours au Liban tels que Janneh et Bisri, des projets qui prédisent bien de mauvaises surprises s’ils vont jusqu’au bout de leur réalisation. En lisant les recherches de Dubertet 1951, la coulée de boue d’Akoura de 1929, en prenant en considération la nature des roches carbonatées, la friabilité karstique, les risques de fuites, la sédimentation des cours d’eau, la géologie des versants et surtout les réserves émises ciblant les manques d’études hydrogéologiques et géologiques du terrain, On peut bien se demander quelles considérations ont été prises en compte par les parties prenantes d’élaborer et soutenir un projet si complexe ayant tellement d’inconnues dangereuses qu’ils ont décidé d’occulter totalement. Les climatologues du CNRS Liban, les chercheurs de l’USJ l’ont bien démontré, le réchauffement de la région est indéniable et les phénomènes climatiques intenses ne vont qu’en s’aggravant. Voyez plutôt les courbes de nombres de jours de fortes chaleurs au Liban et la baisse constante de la pluviométrie depuis 1975. Nombre de jours de très fortes chaleurs depuis 1974 Nombre de jours de pluie à Beyrouth de 1971 à 2001 D’autre part, à la différence du barrage du Chambon construit sur de solides fondations géologiques, la construction de Janneh se fera sur un sol totalement instable, un bassin exerçant des pressions sur 15 failles sismiques dont si l’on en croit le chercheur du CNRS Mathieu DAERON, une réactivation du séquencement de séismes majeurs au Liban dans les toutes prochaines décennies. Ce qui pourrait s’avérer dévastatrice étant donné l’étude complémentaire de séisme maximum d’exploitation fournit par les constructeurs du barrage indiquant la potentialité d’un séisme d’une magnitude supérieur à 8.5 sur l’échelle de Richter avec un mouvement gravitationnel de 0.51G qui défierait toute réglementation internationale en terme de prévention des risques sismiques pour les constructions de superstructures. Pour Bisri, ce sera pire encore, les sols sont totalement impropres à la construction d’un barrage digne de ce nom! L’Analyse d’Impact Environnementale produite est catégorique sur le sujet. Il n’en demeure pas moins que les décideurs n’envisagent pas d’autres alternatives qui sont réalisables et à bien moindre coûts. Jusqu’où ira-t-on dans la prise de risques irréfléchis et la défiguration de ce si joli pays qu’est le Liban, on se le demande tant l’environnement de ce pays est meurtrit par l’activité commerciale humaine anarchique. Espérons qu’à défaut de prendre en compte les aspects environnementaux les parties prenantes prendront en compte les risques financiers inhérents colossaux pour stopper la folie de la non prise en compte scientifique. La nature gagne toujours sur l’obstination irresponsable des hommes ! Il n’est point de crédulité plus ardente et plus aveugle que celle née de la cupidité, qui, par ses dimensions universelles, donne la mesure de la détresse morale et de l’indigence intellectuelle de l’humanité. « Lorsqu’on cherche par cupidité à avoir plus que l’on n’a, on perd même ce qu’on possède » disait Esope. Faisons en sorte de réduire impérativement les sources d’impacts climatiques, mettons en priorité maximale la conservation de tous les espaces forestiers essentiels au cycle de l’eau, élaborons un plan de gestion des eaux usées afin de pouvoir les réutiliser pour l’irrigation, de limiter l’impact de la pollution sur les sources d’eaux souterraines ce qui aura pour conséquence également de limiter la recrudescence de pathologies épidémiologiques graves voir mortelles que ce soit pour les riverains, les consommateurs ou les touristes se baignant dans des eaux infectées. Mettons ensuite en œuvre une stratégie de captation raisonnée et dynamique de l’eau avec des bassins de moindre capacité, qui n’impacteront pas la biodiversité et les habitations en aval des structures hydroélectriques. Ainsi et seulement ainsi nous aurons pris toutes les mesures pour limiter les bouleversements endodynamiques et climatiques catastrophiques inhérents de l’activité humaine tout en garantissant la pérennité des ressources hydriques pour nos futures générations.