Coiffées de panneaux solaires, construites en bois, en terre, en paille, les maisons bioclimatiques du lotissement écologique à Hédé-Bazouges (Ille-et-Vilaine), l’un des tout premiers en France, ont donné un coup de vieux aux quartiers énergivores construits au cours des dernières décennies. Lancé en 2001 par la municipalité et sorti de terre en 2005, le lotissement des Courtils, qui compte une trentaine de maisons, a bousculé les codes en bannissant parpaings et PVC, et en imposant cuves de récupération d’eau de pluie et production d’eau chaude solaire. Avec une bonne surprise à la clé: «Les gens sont allés bien plus loin» que ce cahier des charges, en utilisant massivement des matériaux de construction sains et peu gourmands en énergie, une démarche unique à cette échelle en milieu rural, souligne Julie Barbeillon, rédactrice en chef de la revue «La maison écologique», à l’approche du sommet sur le climat à Paris (COP21). Orientées plein sud, les maisons – à la liberté architecturale totale – sont bâties en bois, en briques, enduites de terre, isolées avec de la ouate de cellulose, du chanvre, de la paille, voire des plumes de canard. Et, bien plus souvent qu’ailleurs, équipées de toilettes sèches, selon Mikaël Tardif, un habitant du quartier où, dans les jardins, potagers et bacs à compost cohabitent avec les herbes folles. Avec ses fossés drainant les eaux de pluie, ses haies bocagères, ses sentiers, le lotissement a également marqué une rupture en matière d’aménagement paysager, selon Julie Barbeillon. Et contrairement aux lotissements hérités des Trente Glorieuses, la place de la voiture y est restreinte: les garages sont regroupés par quatre sur des placettes et les visiteurs invités à se garer au «Verger», un parking extérieur. Labellisés Ecoquartier en 2013, les Courtils, proches d’un étang classé et d’un presbytère transformé en bar associatif, ont «pendant des mois et des années» attisé la curiosité de nombreux visiteurs de France et d’Europe, raconte Julie Barbeillon. Parmi eux, bon nombre d’élus, confirme le maire Jean-Christophe Benis, mais aussi des curieux à l’esprit parfois «un peu tordu», selon l’un des premiers habitants, Hubert Cherré. «En me voyant construire ma maison en paille et en terre, des gens n’hésitaient pas à me dire +Ca va pas tenir, ça va pourrir!+», se rappelle-t-il. Dix ans plus tard, elle est toujours debout, et lui n’a aucun regret: «Il n’y a pas d’humidité car la terre régule l’hygrométrie, on n’a pas l’impression de parois froides», explique M. Cherré, assurant chauffer ses 160m2 pour 300 euros par an, avec un poêle à bois. «J’aime bien revenir chez moi parce que le confort est complètement différent» de celui des maisons ordinaires, note Louis Leblay, qui a autoconstruit une maison passive (qui peut se passer de chauffage) aux murs enduits avec la terre du jardin. «Il n’y a pas plus de deux à trois degrés de différence entre le soir et le matin, quelle que soit la température extérieure. C’est hyper-confortable», se félicite-t-il. S’il a attiré un boulanger et un apiculteur bio, le quartier – où vivent des retraités, des familles de jeunes actifs, des professions intermédiaires et quelques cadres – n’est pas pour autant un repaire «d’écolos, de bobos, ou de riches», assure le maire. Reste que la plupart d’entre eux travaillent à Rennes, à 27 kilomètres, rendant la voiture indispensable et limitant la portée «vertueuse» du lotissement. «La dynamique de l’habitat écologique est maintenant davantage portée par des associations de gens qui habitent en ville et qui font de l’habitat groupé collectif», plus proche du lieu de travail et qui économise le foncier, explique Julie Barbeillon, en citant «deux références»: le Village Vertical, une coopérative d’habitants à Villeurbanne, tout près de Lyon, et l’écoquartier Danube à Strasbourg. AFP